Les champignons, les zombies et les fourmis

Bien le bonjour chers amis !

Voilà le premier post de 2015, quelle émotion ! En fait, pour vous dire la vérité, j’avais prévu de poster bien plus tôt un strip sur le dogme central de la biologie moléculaire (avec ma superbe mascotte E.coli-chan), mais le sort en a décidé autrement. Mon magnifique strip s’est fait la malle avec mon ordinateur, qui lui-même est parti avec les cambrioleurs de mon appartement (le traitre! )… donc voilà, BONNE ANNEE !! youpiiiiii

Conséquence de tout cela : je passe bien plus de temps sur ma console. D’ailleurs, ça me rappelle que l’année 2014 a été une bonne année pour ma PS3 et moi. J’ai pu finir d’excellents jeux comme Deus Ex : Human Revolution, Portal 2, Tomb Raider et surtout The Last of Us. Si vous ne le connaissez pas, sachez qu’il est probablement l’un des meilleurs jeux sortis sur PS3. En effet, c’est à la fois des graphismes sublimes, un gameplay intuitif, une histoire très prenante, une superbe bande originale, un doublage parfait… et SURTOUT il parle de zombies champignons.

Tout ça à cause d’un champignon

Dans the Last of Us, vous incarnez un duo inhabituel d’un quarantenaire et d’une adolescente dans un monde sans pitié. Le monde a été envahi par un champignon qui n’a rien à voir avec la mycose que j’ai sur le pied, le cordyceps, et il faut désormais se battre pour survivre. Ce champignon colonise le cerveau de ses hôtes et les transforme en zombies extrêmement agressifs (et vraiment pas très beaux, âmes sensibles s’abstenir). Ceci explique ce magnifique générique, où l’on peut observer la croissance de plasmodes* (0:00 à 0:18) et d’hyphes (0:19 à 0:49), et la formation de spores (0:50 à 0:59. Mais la biologie dans tout ça ?

 

 

Quand j’ai joué à ce jeu, cela m’a rappelé un article passionnant  (Hughes et al., BMC Ecology, 2011) que j’avais lu pour un journal club au laboratoire. En fait, le cordyceps existe vraiment… mais pas de quoi paniquer. Voilà ce qu’il disait.

 

Une histoire de fourmis

Le cordyceps a été décrit pour la première fois en 1859, mais peu de choses à son sujet étaient connues jusqu’à aujourd’hui. Il infecte les insectes, en particulier les fourmis. Notre champignon (ici Ophiocordyceps unilateralis) doit se développer sur le corps d’une fourmi morte pour se reproduire. Tout comme dans The Last of Us, le champignon se développe dans le cerveau de la fourmi infectée et modifie son comportement : alors qu’elle vit normalement dans la canopée, elle quitte ses sentiers habituels et vagabonde jusqu’à s’accrocher à une feuille à faible distance du sol. Fermement agrippée à une nervure, elle finit par mourir de faim. Son corps inanimé sert de nourriture au cordyceps, qui a ainsi les ressources suffisantes pour se reproduire.  Pour cela, il forme une longue tige au niveau du cou de la fourmi au bout duquel il produit de nouvelles spores, qui lui permettront d’infecter d’autres fourmis.

 

“Excusez-moi, vous avez quelque chose sur la tête !” Ophicordyceps unilaterialis (Hughes et al., BMC Ecology, 2011)

 

Une stratégie évolutive innovante

Il faut avouer que d’un point de vue évolutif, cette stratégie est géniale. Ophiocordyceps, comme tout bon parasite, a besoin de ses hôtes pour se reproduire. Alors au lieu d’attendre sagement dans son coin qu’un hôte veuille bien l’attraper, autant en prendre le contrôle. Après tout, c’est bien connu, on n’est jamais mieux servi que par soi-même ! Un très lointain cousin européen d’Ophiocordyceps, nommé Pandora, possède lui aussi la même aptitude de zombification. Leur ancêtre commun remontant à plus de 500 millions d’années, il est fort probable que cette innovation évolutive soit apparue deux fois indépendamment. C’est ce qu’on appelle une convergence évolutive. Cela confirme l’intérêt d’une telle capacité de manipulation !

 

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“Joli chapeau non ?” Fourmi infectée par Ophiocordyceps unilateralis (Evans et al, PLoS One, 2011)

 

En ce qui concerne les mécanismes, ils sont encore peu connus. Il est fort probable que les cellules de ces champignons sécrètent des métabolites qui modifient le fonctionnement des cellules nerveuses des fourmis ainsi que le métabolisme des cellules musculaires mandibulaires. Des composés candidats ont récemment été identifiés.

Il faudra encore un certain temps d’évolution avant que le cordyceps ne passe de la fourmi à l’homme. Alors en attendant, je vous conseille fortement de jouer à The Last of Us pour une bonne dose d’adrénaline et d’émotions. Contrairement à ce que vous pouvez croire, ce ne sont pas toujours les zombies les plus dangereux…

 


 

*Ces plasmodes sont certainement ceux du champignon Physarum polycephalum, qui peut résoudre des labyrinthes. J’en reparlerai certainement un jour.

 

3 Commentaires
  • Romain
    Posté à 22:40h, 16 janvier Répondre

    J’ai beaucoup aimé ton article… Et pas parce que tu as cité d’excellents jeux au début, mais parce que tu m’as appris quelque chose de fascinant!! Je t’avoue que j’ai joué à The Last of Us (vraiment excellent) et jamais je ne me suis interrogé sur le phénomène “parasite” en question. Je trouve que la façon dont ce champignon se reproduit est particulièrement intelligente. Pour la forme de l’article… C’est parfait! Concis, illustré avec des images, tu ne te perds pas en explications longues et incompréhensibles…
    J’attend le prochain article avec impatience! 😀
    PS: Puisse ton cambrioleur se faire parasiter par le cordyceps.

  • Pingback:Mémoire sans cerveau | Pellichiarium
    Posté à 14:05h, 11 décembre Répondre

    […] il y a presque un an, au tout début de ce blog, j’évoquais le générique d’ouverture de The Last of Us, dans lequel on voit […]

  • sebastien droguet
    Posté à 21:10h, 09 avril Répondre

    Les concepteurs de jeu doivent lire beaucoup d’articles scientifiques 😁
    Sinon un très bon petit livre de poche qui traite du parasitisme : “la malédiction su cloporte”.

    +1 pour le cambrioleur 😈

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